Portrait - Laines Paysannes
Solène Le Roux
Aujourd’hui j’ai le plaisir de vous présenter une marque de laine et une belle initiative locale : Laines Paysannes. J’ai eu l’occasion de tester leurs laines via A Pleines Mains, qui l’utilise pour sa base Ariégeoise et avec laquelle j’ai tricoté le Châle Pieris.
Si Alice teint les laines avec des teintures naturelles, du côté de Laines Paysannes elles sont vendues dans leurs belles couleurs naturelles, et ce n’est pas tout ! Ils réalisent aussi des vêtements, plaids, et autres accessoires avec pour idée de revaloriser localement la laine en circuit court, de manière écologique.
Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots, nous raconter comment sont nées les Laines Paysannes et nous parler un peu de votre démarche de revalorisation de la laine locale ?
Alors Laines Paysannes est née d'une volonté de valoriser les laines locales, de partir d'une ressource présente sur le territoire, non valorisée mais avec un potentiel de développement et une vraie cohérence! Parallèlement, nous savons tous que l'industrie du textile est devenue une catastrophe à tous les niveaux (sociaux et environnementaux surtout), et cette démarche, qui porte nos valeurs, était évidente en fait.
Cela fait une dizaine d'années que je m'intéresse à la laine, à travers la teinture végétale d'abord, puis grâce au tissage ensuite, avec toujours une approche artisanale. Le monde du mouton et les pratiques pastorales m'intéressaient également. C'est lors de ma rencontre avec Paul, éleveur de mouton devenu mon compagnon, que ce projet est né. Paul avait déjà structuré un réseau de vente directe pour commercialiser ses produits en Agriculture Bio. L'idée était de valoriser la laine de son troupeau, puis peu à peu de diversifier les partenariat avec les éleveurs de façon à travailler avec d'autres races ovines, d'autres types de laines.
Est-ce que vous pouvez nous parler un peu des races de moutons d’Ariège, quelles sont leurs spécificités ?
La race principale, transhumante par excellence, est la Tarasconnaise. C'est une brebis haute sur pattes, rustique et bonne marcheuse, parfaitement adaptée aux conditions de montagne. Côté laine, elle est semi-fine, parfois jarreuse, plutôt courte. Mais ce qui la caractérise, c'est sont gonflant, parfaite pour la literie. A vrai dire, elle est très polyvalente et avec de bonnes conditions d'élevage et un bon tri, elle convient très bien pour du vêtement.
Nous travaillons aussi avec la Rouge du Roussillon, transhumante également. C'est une belle brebis à la tête et aux pattes rousses, dont la laine bise et jarreuse donne une jolie couleur crème. Elle est plutôt grossière, mais nous l'utilisons pour la maille vêtement et sa couleur rencontre beaucoup de succès.
Nous valorisons aussi, dans le cadre d'une collection de tapis qui sortira à la rentrée (automne 2019), les laines grossières des brebis Basco-Béarnaises et Manche tête noire. Il s'agit de brebis laitières aux toisons ouvertes, aux mèches très longues. Plus de poil que de laine à vrai dire, cette fibre ne convient pas au vêtement mais est parfaite pour les tapis grâce à sa longueur et sa solidité. Cette laine donne un aspect brut très élégant que nous adorons. Afin que ces grandes mèches passent en filature, nous la mélangeons avec de la Romane, assez longue et plus gonflante.
Bien sûr, nous travaillons avec un peu de Mérinos, mais je ne la présente pas! Cette brebis à laine fine nous permet de proposer des articles plus doux et léger, intéressants pour l'intersaison et pour diversifier la gamme.
Enfin, nous récoltons de la laine de brebis Scotch Mule dans le Gers. C'est une brebis anglaise issue de croisements, avec une laine assez grossière mais longue et très lustrée qui donne beaucoup de caractère à nos plaids.
Vous avez réussi à créer une filière locale de la laine en réalisant toutes les étapes de production entre l'Ariège et le Tarn. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ces différentes étapes ?
Les partenariats se mettent en place au fur et à mesure que le projet avance.
Il faut commencer par le lavage, que nous confions en partie à la filature de Niaux qui se trouve en Ariège. Les plus grosses quantités et le Mérinos (particulièrement gras) sont lavées au lavage du Gévaudan, à Saugues.
Ensuite, nous travaillons avec 2 filatures. La filature de Dreuilhe, elle aussi située en Ariège et spécialisée dans le gros fil, s'occupe de filer toute notre laine à tapis. Nos autres laines, destinées à la maille et au tissage, sont apportées à la Filature du Parc, dans le Tarn.
Depuis le départ, nous travaillons avec les ateliers Missègle, dans le Tarn également. Il s'agit d'une vraie collaboration et nous sommes ravis d'avancer avec eux. Il s'occupent de confectionner tous nos articles tricotés, prêt à porter et accessoires.
Plus récemment, nous avons construit une collaboration avec Teixidors, un atelier d'insertion de personnes handicapées situé à Terrassa, au nord de Barcelone. C'est un atelier de tissage artisanal incroyable qui mélange cet aspect social à une maîtrise technique parfaite. Nous sommes fiers d'avoir créé nos plaids avec eux!
Vous proposez une belle diversité de produits issus de votre laine, tricotés ou tissés (vêtements, accessoires, plaids...) en plus de la laine elle même. D’où vient cette volonté d’utiliser la laine sous toutes ses formes ?
Nous n'avions pas vraiment de grande ligne directrice au départ, ni d'idée de collection. Plus nous découvrons les potentiels de fabrication de nos partenaires, plus nous avons envie d'explorer de nouvelles choses!
Disons que nous avons commencé par de petites pièces comme les chaussettes pour nous lancer, et que la perspective de développer une gamme plus orientée "mode éthique" nous enthousiasme. Pour le tissage, c'est différent. C'est l'idée de base du projet. Mais comme c'est plus difficile à vendre (nous avons fait le choix du fait main), nous développons la gamme tissée au fur et à mesure que se construit la viabilité du projet. Il faut trouver les bons débouchés.
J’ai tricoté votre laine via A Pleines Mains qui la teint avec des teintures naturelles. Est-ce qu’il y a beaucoup de professionnels de la laine qui se tournent vers vos laines ? Comment est-ce que ces collaborations s’intègrent dans votre démarche ?
De plus en plus d'artisans lainiers, que ce soit en tricot, en tissage ou en teinture naturelle sont désireux de travailler avec des laines françaises et traçables. C'est donc un débouché qui se développe pour Laines Paysannes, mais reste assez modeste.
Pour le moment, nous vendons simplement notre fil, mais nous serions ravis de mettre en place des collaborations!
Enfin, quels sont vos projets en cours ou à venir à Laines Paysannes ?
Les projets sont nombreux. Côté développement de nos gammes, nous préparons l'automne 2019 avec 2 nouveau modèles de pull, une collaboration avec une marque de mode, et des kits tricot. Une petite collection de tapis tissés main sera également prête ;)
Nous mettons en place un pop up store sur Paris du 25 novembre au 8 décembre pour être plus présents là-haut.
Autre projet très important pour la structure: nos locaux. Nous occupons pour le moment une veille maison pour nos bureaux, stocks et atelier. L'espace est trop petit et difficile à chauffer. Nous sommes donc dans diverses démarches avec architecte, recherches de financement etc pour nous installer dans de nouveaux locaux au printemps 2020.
Cliquez ici pour retrouver Laines Paysannes sur leur site internet !